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Les grands airs d'ouverture

J'ai rencontré Sylvain Kassap lors d'une soirée de lectures autour de Michel Vinaver pour le théatre de la Colline. Il parlait saxo, il parlait clarinette basse sur les rythmes des textes lus. Il mettait son expérience du jazz au service de la phrase et des respirations.

Depuis Janvier - Ludovic Janvier - nous sommes faits pour avancer ensemble, avec la poésie comme texte et prétexte à multiplier les musiques et les intros claironnantes. Ainsi s'invitent en discoureurs Jean Pierre Verheggen l'annonceur allumé, Gustave Flaubert raseur des comices agricoles, Malraux, Spirou, Verheggen (again) et Marcel Moreau quand il faut, autant de manières d'introduire le spectacle puis pour le rythm'and blues nous faisons passer Jacques Darras en danseur flamand, le Brésil en catastrophe et les trouvailles philosophiques du moment…

Jacques Bonnaffé

Principe du montage

Poésies et textes courts de Ludovic Janvier, de Jacques Darras et d'autres, précédés d' interminables prologues, discours inauguraux et citations. On accueille les spectateurs dans le hall avec des bribes déclamées du chapitre des comices agricoles chez Flaubert, entremélées de citations : discours du maire de Champinac chez Spirou, extraits de Malraux aux tribunes des maisons de la culture de Bourges et d'Amiens. Puis on les emmène dans la salle sur fond de listes d'appel et proférations absurdiques de Jean-Pierre Verheggen poète Namurois… On explique à l'intérieur que rien n'est prêt, qu'il y a eu erreur sur les dates, que le matériel pédagogique n'a pas été livré, qu'ils ne ne devaient pas jouer ce soir, qu'on vient d'annoncer une tempête de neige et que les préavis de grève ont été confirmés. Navrés. Mais… que les spectateurs soient rassurés puisque qu'ils sont là, dans le cadre annoncé de leur conférence : une pensée de la catastrophe.

[…] écouter en soi l'inexprimable faire son bruit de souffles et d'images

Ludovic Janvier

Lecture, concert…

Une lecture affirmée comme un concert dont le programme reste variant et les trouvailles accordées au calendrier et aux circonstances. Il s'agit de jouer l'ouverture sur un plateau… Entre effet pompier et sobriété du devoir inaugural, ravissement du réveil étonnement aux mots, réjouissement des retrouvailles, voire jouissance si affinité. Des grands airs que nous nous inventons : nous déclarons l' ouverture pour revivre cette certitude poétique du plongeur : en terrains ordinaires filer vers l'inconnu, pour trouver du nouveau.

C'est le choix des univers successifs qui vient faire office de plan et de construction au concert. Hymnes et païennes processions laissent néanmoins transparaître tous les mystères, sacrés nom d'une pipe, au son du chalumeau, qui pourvoient au grand défilement des splendeurs poétiques. Kassap a tout ça dans son sac.