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Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons

Le formidable directeur du Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis, directeur à Bobigny, à l’Opéra Bastille, et enfin à Vidy-Lausanne, René du Lac est mort, parti, décidé de décéder, laissé la place à d’autres, a été appelé à de plus hautes fonctions etc. On n’en fera pas un saint, d’abord cela ne se fait plus, mais certains gardent de son engagement au travail le souvenir d’une passion peu commune.

Dès qu’il m’est donné de traverser un théâtre, je me projette dans le temps d’où respire cette machine vaste imprévisible et je me souviens que j’ai connu presque gosse, le type qui savait diriger ces barcasses mieux qu’un autre. Un capitaine conquérant qui fonctionnait à l’épate mais transmettait ses secrets. Un homme toujours en mer, pas loin de ce qu’elle brassait d’immense, amiral Gonzalo sur tous les coups fumants. « C’est d’l’humain » souriait-il pour expliquer le truc. La chance fait que nous tous on l’a recroisé des tas de fois comme si on retrouvait un copain de la rue d’avant, ses calculs restaient les meilleurs, pas une ride et c’est ce qui l’a perdu d’être à ce point indestructible dans l’impression qu’il nous laissait. Cette trace en lui d’authentique traversée par des grands textes qu’il savait dire sans emphase aux moments d’espérance, est-ce encore le souffle comme on l’extirpe en scène ou plus encore ce truc insistant : la force de l’esprit qui vient revivre en chacun ? René la flamme des yeux, greffée dans le dedans ventricule de nos cœurs, c’est fou ce que la tristesse a de gueules cette fois, tous les étages et tous postes concernés, tout le théatre qui chiale de haut en bas et se sent fragile et grand d’être à cet instant comme un frère avec la mort.

T’étais pas le patron René, c’était fini ces mots-là pour toi mais t’es partout comme jamais, en nous que ça éclabousse. On t’aime pour toujours.

Jacques Bonnaffé

Il est temps ! Levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

Charles Baudelaire

Peut-être mieux sans nous mieux sans voix mieux comme ça puisqu’ils n’en reviennent pas de leur vent de leur neige les portés disparus mêlés à leurs flocons les chers perdus de vue d’humaine condition.

Valérie Rouzeau

Commentaires

Le bateau sonne et tremble emportant un compère. Tends ta joue à la bise d'un rivage lointain, tu sentiras l'écho d'un sonnet incertain, de ton ami perdu et pourtant pas si loin .

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