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Bienvenue quand même !

Activité chronique, je ne peux m'empêcher de gratter des petits mots sur « le » succès phénoménal de l'année, il n'est pas près d'avoir dévoilé tous ses mystères…

Alors ce film ? Vous l’avez vu que vous n’en parlez pas ? Qu’est-ce ça veut dire ? Vous avez un blog que tout le monde peut lire, vous faites votre important, rapport à la Région qui aurait lâché le paquet sur la promotion de ce qui semblait acquis, et vous n’êtes même pas fichu d’ nous donner votre avis. C’est bon pour l’ Nord, non ? Vous n’allez pas dire le contraire, l’image des ch’tis elle s’en sort drôlement améliorée…

— Ah pour ça... Drôlement arringée, oui ! D’accord avec tout le monde, et qu’on n’en parle plus ! Effectivement j’ai fini par el vire, le film. Avec min père, à Douai. Il n’a pas tout saisi, les images lui plaisaient mollement : C’est trop gros qu’il m’a fait. J’avais ressenti l’ même cosse, sans m’arrêter aux plans. A l’orelle j’ai bien sentu que leur accent, les mots, c’était pas nous. Trop appuyé… les che partout, ça nous ressemble pas, ou ne nous ressemble plus ! C’est comme la chicorée dans ch’ café, qui c’est qui l’ fait core à c’t’ heure, franchement ? On dira que ça réconforte… De s’ faire admirer comme on n’est pas, marqué balourd, avec un côté tradition au vrai goût d’ancien. C’est même ce qui a du mettre le feu aux poudres : nous, qui de réputation n’avions rien d’extraordinaire à mettre en bouche, ni foie gras ni grands-chefs, on faisait savoir qu’avec nos frites, du maroilles, une bière et not’ accent vingt dious, on défendait l’ morceau ! Ajoutés là-dessus, quelques gros mensonges d’amour-prop’ ravaudés par temps gris, ma plage et ses chars à voiles, mon beffroi, min football sang et or, grand-mère et sin café bistouille, nos canchons, mes corons… L’assortiment complet ! Tout l’dépliant Nord et couleurs d’une seule volée, on garantissait bourratif et populaire !

La tradition c’est ce qui reste quand on n’a pas d’imagination, disait Bernard Lubat, parlant d’un certain pays Gascon qui se folklorise à l’étroit. Ou citant peut-être aussi de ce qui n’est plus et nous laisse sans voix, ces ports de pêche devenus parkings de plaisance, les centres des villes sans quartier populaire, tout ça qu’est vide autant qu’insouciant, en visage de vacances perpétuelles, d’hygiène et d’ennui. Ne sachant pas parler de nous-même dans ces décors arrangés, on peut, à défaut, broder son histoire. Il faut mentir un peu pour commencer l’autoportrait de son endroit et dans ce petit jeu, les plus mal lotis sont parfois mieux placés pour fabuler. Ce qui rend le Nord méridional depuis des lustres, mais personne ne paraissait l’avoir vu. D’un côté le quotidien cruel, fait d’hivers et faits divers, de l’autre comme pour masquer l’erreur, une humeur festive, contente d’elle-même et du bocal, célébrant sa joie de vivre sans débander, quitte à paraître ostensible… Vantards peut-être ou médicalisés à l’excès, qu’est ce qu’on est heureux désormais, d’avoir eune bonne biloute ! Nous v’la servis ! Il y a une grandeur combative, bien qu’un peu raide, dans ces formules à gros traits. Certains — pour avoir vécu tout au Sud en d’autres temps — prédisent qu’on ne s’en remettra pas. Cette manière de se faire voir, bien arrosée, insistante, sympathique et braillée, devient une façon de se regarder, sans secret donc sans génie. Attention, Carnaval ne dure pas toute l’année, c’est l’ordinaire inversé, une fête de folie, oui, tant qu’on ménage l’inversion. Les grandes gueules, faut les retenir. Cafougnette en est une par exemple, inconvenante : Il a core fait des siennes ! dit-on…

Qu’est ce que je dé-blogue d’un coup ! Ca part où c’t’ affaire ? A quoi bon d’en remettre, maintenant que le mal est fait ? Quelle était la question au juste ? Si j’ai aimé ? C’est pas du cinéma pour moi, mais c’est un succès, un rude. Et ça vous travaille… Des pages et des pages à longueur de vacances, ça s’écrit tout seul… Comme si il y avait mystère encore derrière ce phénomène, l’histoire d’une époque. Qui se termine. Un appel impérieux : tous au garde à vous pour le rire français, tous au rendez-vous pinpon-pulaire ! Dans les salles et en tenue de famille ! Les vieillards et les enfants devant ! Ce serait comme d’aller au défilé, ou à Lourdes, vague obligation, écouter l’hymne régional devenu cette fois national. Les grandes heures… On devait relever l’affront, ce fut grandiose ! Quitte à se faire ensuite médailler par ce même président, qui parlant de travailler plus pour gagner plus, ne semblait s’être adressé qu’à lui-même, ou à ses admir-acteurs, représentants de la culture de la réussite, tous travaillant durs à gagner vraiment beaucoup plus… Et très peu postiers pour la plupart.

Le film doit-il son succès à cette entrée en présidence fracassante de l’été 007, où « l’histoire du yacht » la comédie qui marchait, fut celle des comptes sur livrets Privilège enjoignant aux gagne-peu de ne plus se montrer ? Le printemps suivant n’a vu personne dans les rues… Curieuse manifestation, ils sont tous allés s’enfermer au cinéma voir ces sans-histoires auxquels ils prétendaient avoir la grandeur de ressembler.

Commentaires

Bonjour M. Bonnaffé,

Bien sûr je suis du nombre de ceux qui sont allés voir le film, et bien sûr comme tout le monde dans la salle, j'ai ri. Sentiment bizarre d'aiilleurs pour la nordiste "expatriée" que je suis, de voir une salle comble et hilare pour un film du nord, de cette région tellement décriée. Avant "bienvenue..." on nous plaignait d'être originaire de "là-haut", et aujourd'hui on nous envie. On a envie d'être notre "pote". Tout le monde reprend des expressions qu'effectivement nous n'utilisons pas ou plus.
Vous vous êtes visiblement agaçé de la multitude de clichés énoncés, pour ma part j'ai eu l'impression que Dany Boon avait pris le parti d'en rire... pour mieux les dénoncer. Mais peut-être suis-je naïve ? Quant à la façon dont le phénomène va continuer d'évoluer, et l'image qu'il va laisser de nous d'ici quelques années, l'avenir le dira.
Pour le reste je partage votre sentiment sur les qualités techniques du film, et pense également qu'il est dommage que la Région se soit tant investie financièrement dans ce long métrage qui n'avait pas besoin de son soutien. Cette somme aurait sans aucun doute été vitale à d'autres projets.
Merci à vous pour la qualité de ce site, de ce blog qui permet de vous suivre et d'être au courant de vos projets. J'espère avoir l'occasion de vous voir un jour en Alsace, où je vis aujourd'hui. La dernière fois que je vous ai vu c'était en 2004 à Arras, lors d'un "banquet du Faisan"...ça commence à dater.

Bonjour et bienvenue...où ça déjà ?

je n'ai pas vu le film , disons que je n'ai jamais ressenti le besoin d'aller le voir et puis l' entourage s'est chargé de le raconter ce film; comme par miracle ça a suffit à me donner une très bonne idée du contenu. Picard de naissance et nordiste depuis bien longtemps j'ai toujours connu ce Nord par toutes ces vacances et week-ends passés chez les grand parents, chtimis devant l'éternel. Que cherche donc Dany Boon, le succès, l'argent, une réconcialition avec ses origines, que sais-je encore ? Le patois , le chtimi parlé dans ce film je ne le connais pas et vous avez tellement raison M. Bonnafé d'évoquer toutes ses erreurs, toute sa lourdeur. Jamais mes grans parents n'ont rempli leur bouche de "che" à tout va ni trempé leur maroilles dans de la chicorée...ils habitaient justement à Maroilles et n'ont jamais parlé aussi mal leur propre langue.
Votre extraordinaire "défilé" et votre travail sur Jules Mousseron m'ont enfin rappelé toute cette mémoire du Chtimi, du Nord.
Vous , vous avez compris vos origines.