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Frontalier en tournée
Frontalier est une méditation automobile qui trouve son roulement par la parole. Frontalier tresse une histoire personnelle traversant plusieurs fois la frontière comme le font les frontaliers de France à Luxembourg, comme l’ont fait ses parents venus d’Italie ou ses grands-parents les Portante. Par un jeu de mot facile le Portante en impose, un sacré bagage, romancier poète, éditeur-relieur de pays, pèlerin impénitent, l’homme des liens, traducteur transmetteur, il est des deux bords sans contradiction, poète et chroniqueur.
Frontalier en mode sauvage : Je joue ce texte en liaison avec le Printemps des poètes (thème 2023 : Frontières). Ici sans technique, comme dans une répétition, avec des interruptions des explications brèves, des échanges peut-être. J’aurai un ordinateur avec les musiques, un espace au sol (c'est un jeu autour du texte su par cœur, plus qu'une lecture) délimité par un scotch blanc. Une table et deux chaises. Ce faisan, j’explique comment le spectacle se déroule dans un vrai théâtre, avec les variations de lumières. Une répétition à vue, en quelque sorte. Une italienne agrémentée.
Quelques thèmes du texte-poème
L’immigration familiale, liée à l’industrie extractive (charbon acier) : l’auteur est d'une famille italienne, venue à Luxembourg avant-guerre. La migration journalière des travailleurs Frontaliers, l'interminable serpent des voitures le long des usines mortes. Les migrations immuables, les processions de fugitifs. La mer telle un mur, les noyades et les vies anéanties. La fuite des héros mythologiques, il faut un début à tout, celle d’Ulysse mais surtout celle d’Énée, le vaincu de Troie. La nostalgie de l’Italie…
Ces thèmes et ces histoires se mêlent formant une ode à l'intégration, une prière, une imploration. Je travaille souvent sur la poésie mais je procède du théâtre et de la connaissance du jeu et de la diction. Je crois que j’ai peur de l’excès de gravité qui entoure les poèmes, je trouve essentiel de transmettre. Au moins rendre les textes attirants et sonores. J’oserai dire entrainants. Par une série de chants successifs Frontalier se fait poème des traversées, imaginé au volant d’une automobile jouant à saute-frontière chaque matin entre France et Luxembourg. Son conducteur, Jean Portante, y murmure ses migrations d’enfance, celles de sa famille italienne venue travailler dans les mines et l'acier à Differdange (Luxembourg). Ainsi Frontalier serait l’épopée de toutes les frontières enjambées depuis Enée, fuyant sa ville de Troie, jusqu’au migrant d’aujourd’hui. Processions des voyageurs contraints par l’exode ou le salaire quotidien à changer de pays. C’est de plein fouet, une façon chorale et rassérénante d’aborder Frontières, le thème choisi par le Printemps des poètes.
Nous, les acteurs, nous aimons bien prendre le volant, c’est un jeu d’enfant, nous mimons la vitesse à la fenêtre. La fureur de vivre semble un peu loin à l’heure du risque zéro, j’observerai la lenteur presqu' immobile du grand serpent des autos, j’irai retrouver les mots de Jean Portante et l’affection qu’il porte aux migrations familiales et à son enfance Italo-Luxembourgeoise. Jean Portante est, son nom l’indique, un poète de poids, un Portante
habitant du Luxembourg, de famille Italienne et voyageur.
Frontalier - Spectacle porté par le théâtre National du Luxembourg présenté là-bas en 2021 puis à Avignon cet été mais n’ayant pas épuisé sa course. Un texte de Jean Portante, mis en scène par Frank Hoffman. Il m’arrive aussi, avec l’accord de Frank, de le proposer de façon sauvage, seul donc presque sans technique et sur un périmètre en scène large comme un timbre. Du grand art en petit, l’exercice est difficile, pour les chemins décentrés, ça vaut la peine.
le 12 mars à Sète _ musée Pail Valery 16h30
le 13 mars à la maison d'arrêt de Fleury Merogis
le 27 mars à La maison de la Poésie de Paris 20h soirée prolongée avec SOS Méditerranée et "Le Navire Avenir"
présenté par Sébastien Thiéry https://maisondelapoesieparis.com/programme/frontalier-de-jean-portante-2/
le 10 avril à Bécherel près de Rennes
et cet été Festival d'Uzeste, vers le 15 aout
Aucune déclamation politique ne devrait faire l’économie du bref énoncé des principes fondateurs : cette grandeur qui nous constitue est aussi d’être un pays d’accueil, un abri contre l’injustice, les dictatures, la barbarie banalisée. Notre paysage le dit, composé comme nous l’avons appris à l’école, de régions changeantes et si variées qu’elle les contenaient toutes. Un jardin, désireux d’agréer. Et je ne rêve pas. Je sais les peurs, quelle langue il suffit de parler pour fédérer par la défiance et l’hostilité. Je dis qu’il nous appartient de rappeler notre histoire quand il devient si difficile d’entrouvrir. Il faut un théâtre et donner perspective comme le fait cette pièce. Avoir l’audace de viser loin, regarder hier et demain. Frontalier dit notre mémoire et nos familles, pas le décompte supplémentaire des rescapés. C’est un chant, Homère en écrivait déjà, celui-ci n’est pas l’Odyssée mais l’autre longue traversée, celle d’Enée, celle du vaincu après la chute de Troie. Qui, d’une autre manière, fonda l’Europe.
Jacques B Comédien, et lecteur
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