Migrations ce mot s’impose en faisan compagnie, de par les spectacles engrangés et ceux qu’on prépare : les spectacles en tournée ont un poids plus réduit. Frontalier et L’Oral et hardi joués cet été s’adaptent à l’économie du voyage pour ne pas dire à l’écologie. C’est un costume, trois accessoires, quelques musiques enregistrées pour Frontalier. Quant à L’Oral et hardi, il s’est adapté aux salles des fêtes en restant tributaire des effets lumières (on prend notre fameuse camionnette : la Gaetan — 9M3)…
C’est l’histoire d’un gars qui n’a plus d’histoire. Tout a brûlé, sauf peut-être ses souvenirs, du temps qu’il se baladait avec un barnum d’au moins quatorze baraques à frites…
Montage à quatre mains pour deux voix, Agnès Sourdillon et Jacques Bonnaffé.
Jaccottet n’est plus. Dans ses poèmes déjà s’insinuait l’absence. Parti plusieurs fois, sans attiser les adieux. Par discrétion naturelle, par devoir poétique, parti. Pour naître à la lumière, serrer l’univers entre pensées et poèmes. Remplacer la peur de la mort par l’émerveillement, l’écoute. Pas d’écologie, pas d’alarme, Jaccottet c’est un autre temps (destiné à apaiser le collapsologue énervé qui sommeille en chacun) il cherche l’au-delà dans l’ici-bas : je passe je m’étonne et je ne peux en dire plus , dit-il dans Une pensée sous les nuages. Toute parole est disparition, envol ou regret. L’œuvre, une adresse aux esprits inscrite dans les rides de ce vieux chef amérindien exilé à Grignan, le regard cerclé posé sur les montagnes de la Drôme.
Saoulés de discours, de points de vue, d’opinions, saoulés de stratégies, défaits des petites phrases, des réactions, des sondages, rincés de toutes les prises de paroles et malgré tout on remet ça, L’Oral et hardi — soigner le mal par le mal et avec l’apostrophe ! La logorrhée comme dépuratif, sans retenue. Administrer l’allocution poétique L’Oral et hardi dans tous les théâtres, en plusieurs doses et sous l’assistance respiratoire de Jean-Pierre Verheggen, monument, maître phénoménal de l’assonance et du jeu de mots, vrai-faux charlatan de la poésie : Embarquez-vous pour ne plus vous taire, hurle Verheggen dans les tourmentes. C’était d’un autre temps déjà, hérité des hyperboles gauchistes, et cette démesure-là nous rassure. L’excès ne nuit pas toujours.