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Série Œ : reprise
Pas question ici de reprise économique, ni de relance de la consomation des ménages mais plutôt d'actualité mythologique, un peu d'éternité ou d'éternuité en ces mois grippés : reprise de Sous l'œil d'Œdipe écrit mis en scène par Joel Jouanneau, en tournée à Louviers-Blois-Lyon-Grenoble-Colombes-St Brieux-Aubervilliers-Nantes-La Roche sur Yon-Strasbourg. L'occasion de reprendre ce carnet de boxe, série Œ, suscité par Avignon ses nerfs à chaud puis re-suscité par cette aventure-ci.
Dispositif du spectacle en cette tournée : frontal le plus souvent alors qu'il fut présenté en bi-frontal
lors du festival d'Avignon, c'est à dire bordé de gradins de 250 spectateurs de chaque côté de la scène en couloir. L'espace est un chemin selon la première instruction du metteur en scène. Peu d'éléments l'occupent que nos présences et deux trois objets, parfois peu conformes à cet arbitrage du bon goût ambiant qui voudrait du traitement, de la rigueur en tout. Joël où as-tu été chercher cette bassine écaillée qui pleure sa misère au sol ? Sur cette bande de terre balayée, nos stations alternées constituent un cirque pauvre, celui qu'invente les mots, les blas-blas, les bousins, les cris, les proférations ou les histoires aux carrefours de toutes les campagnes . Tout cela mais comme en route. C'est à dire hors toute habitude casanière, sédentaire (voire boulevardière). Un dénuement explicite pour ceux qui n'ont rien à porter que leur corps et la peine, d'où porter parole. Avec cette question pour aujourd'hui : a-t'on jamais souhaité la famille circassienne des Morales sous son chapiteau minable ou la baraque Dromesko relookée par le couturier Lacroix ? Pourrait-on l'imaginer sans sourire ? Alors oui, l'attirail vestimentaire n'était pas à la hauteur d'un festival international très réservé. Faut croire encore qu'au fond la vraie vie est ailleurs...
J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, roman de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythme naïfs... La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe.
Arthur Rimbaud.
Toute expertise bue, nous resterons convaincus que la faiblesse du spectacle est sa force en ce point. Nous n'étions pas prêts aux coups ni dans la sainte onction des lieux, depuis lurette confisqués... Merde ça repart, l'affaire est depuis six mois révolue et j'en parle encore, quel délice au fond ! Noter pour conclure ici qu'il devient urgent de ne pas céder à la mode des « grandes » marques ou confier trop facilement aux « signatures » un assentiment béat, pour de confuses raisons de culture.
De cette route scénique, ce tracé comme au milieu des champs, je retiens l'empreinte d'une geste rurale, lointain souvenir d'une scène filmée des frères Taviani ou mieux de cette dinguerie poétique ambulante de l'imagier Pasolini : la route caillouteuse de Uccellacci e uccellini où viennent à passer des saynettes. Art des villes en apparence , le théâtre n'en demeure pas moins une inscription rupesque, universelle et peu codée, (je deviens lyrique on arrête) la tentative effrénée d'échapper à la sédimentation, l'agrégat, la fausse sédentarité des ruraux — les citadins ne le sont-ils pas plus, apparemment nomades et qui ne cessent de rêver d'autres maisons, secondaires ou tertiaires ? Jouanneau porte témoignage de cette forme joyeuse d'art des cavernes, nous y reviendrons.