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JUGER SUR PIECES. L'écriture contemporaine des auteurs au théatre.

En préparation d'un stage pour les Chantiers Nomades, ce texte à tendance pamphlétaire - ce qui s'énonce énervé se pense partagé - et tentative d'exposé du contenu. Travailler sur des pièces inédites, retisser le lien des publics à l'écriture immédiate.

JUGER SUR PIECES

Les écritures de théâtre nous semblent de plus en plus désireuses d'une expérimentation rapide, d'une lecture partagée et d'un usage à bras le corps. Quitte à en rester au stade d'esquisses scéniques, elles veulent au moins se faire entendre, les pièces ! Leurs auteurs se crèvent à renouveler, surprendre, ils se mettent au diapason du monde, fouillant les modes de construction et s'adaptant aux jeux de l'hypercommunication, alors qu'ils peuvent passer des années avant d'espérer. La mission publique du théatre de création est en veilleuse, la mise en scène des classiques, plus ou moins récents est devenue l'activité consentie. Ce qui fait théâtre. Nous devons agir ou faire du bruit, effrayer la régularité de l'institution comme toujours en France. Envahir et monter.

La proposition du stage serait de constituer une bande entreprenante, afin de s'essayer sur plusieurs pièces nouvelles. Des bonnes et d'autres moins, s'obliger à ouvrir. Repérer les thématiques. S'informer ainsi des formes de l'écriture actuelle ici et ailleurs. Inventer ensemble les modes de présentation, relever les techniques et les  écarts possibles. S'attarder sur le jeu, la langue, puisque c'est mon registre de transmission, comédien harangueur ou baragouineur, mordu de poésie. Mais l'atelier s'en tient aux pièces écrites, au théâtre.

Il y a une envie turbulente au projet. Elle consiste à réclamer une place effective dans l'institution. Le stage devra se donner pour objectif de rêver des formules d'invasion, de les rédiger, d'imaginer des propositions publiques adéquates, en s'exonérant des formules mixtes. Il doit parler économie aussi, et s'imposer des rencontres avec ceux qui connaissent ces questions, et ceux qui décident. Au sortir, établir ensemble une charte de la création rapide.

Quelle est la demande : susciter l'envie d'entendre des pièces nouvelles, et exiger que le temps consacré à cela dans les scènes théâtrales ne soit pas minimisé ou écrasé par la production courante. Imaginer consacrer des journées ouvertes de l'écriture, journées complètes et vraiment destinées à l'accueil du public, en dehors des programmes conventionnels. Des week-ends de la création, des festivals d'écriture, on appellera ça comme on veut. 

Nous n'inventons rien, un travail comme celui de la Mousson d'été, l'existence de Théâtre Ouvert à Paris ou les celle d'Acte Oral à Marseille, suffisent à nous justifier. A moins que ce soit l'énervement absolu qui nous mobilise, devant cette perte de courage manifeste dans le repliement sur le répertoire. Il faut taxer les succès assurés au profit de la création nouvelle. Nous ferons aussi un état des lieux de la fabrique d'auteurs, et peut-être bien une revue scénique des programmes.

Nomades donc par cette insistance à réclamer du mouvements et des lieux, des circonstances nouvelles pour nos manifestations futures. En chantier oui, nous devons interroger ce terme jusqu'à l'épiderme, le notre et le sien, une attitude de recherche qui se revendique d'un contact manuel, et du partage de l'ouvrage en cours.

LE STAGE D'abord nous nous retrouvons autour d'un paquet de pièces imposant. A lire à découvrir, à expérimenter très vite. On s'invente des mode de lecture-exposé ou on procède à un travail préparatoire par petits groupes. En ce cas on s'accorde deux jours pour établir un premier état, de manière à le présenter aux autres et à libérer discussions, idées de mise en scène, ou déterminations plus sobres, lecture. C'est la seule manière de découvrir ce théatre neuf. Et ça marche comme chez le marchand de chaussures : on ne repart pas sans avoir essayé. Lire au chevet une pièce de théatre est un fardeau, le cauchemar des éditeurs. S'amuser à la passer de l'un à l'autre est le projet même de l'écriture dramatique, où tous les degrés d'expérience sont admis. Ce premier geste relève du chantier de taille, les scories les débris et la sculpture en devenir restent associés, toujours visibles. On devient très savants. On lit plein de pièces nouvelles. On parle des tendances nouvelles entre experts néophytes, dans la poussière du processus.

Commentaires

Voilà un projet magnifique. J'ai connu autrefois dans deux lieux (l'un CDN, l'autre perdu dans la forêt) des expériences de ce type où des gens de tout bord se coltinaient au milieu d'auteurs à des textes qui surgissaient (écriture pêle-mêle de tous, mise en voix de "choses" à peine publiées). Même si un essai récent semble annoncer la fin de l'écriture et du texte, je me refuse à y croire. Aujourd'hui, ces deux lieux sont morts, assassinés au nom de la culture. Ils me manquent. Je ne mange plus que du théâtre mort et faisandé, qu'on asperge d'épices pour faire illusion. Alors ça se passe où votre projet ? J'espère que vous réunirez beaucoup de monde autour de vous.