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Jacques Darras, un autre Nord

Il n'y a pas que Mousseron dans la vie et il n'y a pas que le picard ou le ch'timi dans le Nord. Autres années de compagnonnage pour moi, celles avec Darras depuis 90, qui sont aussi l'occasion de faire un tour plus large de la poésie, Jacques Darras ayant cette qualité précieuse de ne pas écouter la poésie que par l'embout de son petit tuyau créatif, et d'en connaître un rayon. Dans le domaine anglo-saxon entre autres.

Jacques two Jacques, en scène à St Priest le 9 et 10 janvier 07. Extrait du livre Jacques Bonnaffé pitre et poète aux Éditions l'Attribut.

Ce spectacle est issu d'une pratique de lectures publiques et performances établies depuis peut-être huit ans avec l'auteur. La matière déborde, une lecture d'un soir est toujours l'occasion de variations dans le choix des feuilles et dans la disposition du montage. A la Bastille c'est d'abord un solo auquel Jacques Darras vient s'adjoindre en scène, tirant le dispositif vers la figure d'un boys'band poètique d'où Jacques two Jacques. Trois semaines de répétitions pour tout faire. Une scénographie réalisée par Michel Vandestien, vieux semblable du temps de la Salamandre et brillant « décoreur » selon sa propre appellation : sa démarche excède la décoration et devient mise en scène avec la complicité d'Orazio Trotta aux lumières. Un espace dessiné par des lignes bicolores, frontières, un fond noir où cognent les projections d'images, une barre verticale métallique. On pourrait être dans un lieu de répétition de danse, citation pour le théatre de ce qui a pu typer l'image rap : jouer à vue avec ses instruments techniques, commme en studio, on « sample », on s'amuse jusqu'au narcissisme. C'est aussi ce regard à soi-même qui est déclencheur d'écriture chez Darras, lié immédiatement à la réflexion, dans le thème des rivières et de l'eau. Les premières impulsions du texte sont rythmiques. Comment réussir un montage de textes ? C'est écrit dedans, les changements d'univers donnent de petits vertiges poétiques rares, Jacques danse les textes et frappe comme Brel les mots des « Gilles de Binche ». Tom Waits désaccorde la nuit et quelques gestes, un seau d'eau, une serpillère entraînent la fin de l'écriture dans le flux des miroitements.

Je cherche de nouvelles raisons pour l'eau de s'appuyer aux rives.
Je cherche de nouvelles appariades entre la parole légère courante et l'ouragan spontané du chant.
Je cherche un récitatif dans l'intime réciprocité des ciels et des climats.
Je cherche de nouvelles circonstances pour faire entendre sans la lever, la voix dans le poème.
Nommer Namur.
Enamourer le nom.
Il n'est jamais de poésie que déclarative.
Il n'est de poésie que dans la déclaration d'amour que nous faisons aux noms aimés, par la parole ou par le chant.

Jacques Darras - Nommer Namur (extrait)

Commentaires

bonjour, j'ai trouvé e billet fort intéressant :) je me dema,dais pourquoi cette précision : "il n'est jamais de poesie que declarative" ... ;) je te souhaite une bonne coninuation !

en réponse à cette question, toute poésie parlée est comme une déclaration d'amour des mots, et ne peut être que déclarative, dans toutes ses formes, même les plus secrètes et intimes, la poésie se présente comme une déclaration, qu'un facile labsus nous amène à considérer comme déclamation, pour peu qu'on grimpe sur la chaise. JacB

J'ai été très touchée par ce spectacle que j'ai vu à la maison de la culture d'Amiens. Merci pour cette soirée, vous exprimiez si bien des choss que j'avais déjà ressenties tant sur les Gilles que la voix ou le rapport à la frontière.J'ai revoyagé grâce à vous avec Etienne cambis. Auriez vous,Monsieur Darras,connu ce prêtre singulier?

Chère brigitte, malheureusement je ne sais pas si Jacques Darras « suit » l'actualité des commentaires de ce billet…