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“Porter parole” n'est pas “Poser parole”, l'Oral et Hardi au Bénin
Texte pour le centre culturel français.
Au départ je me dis tiens porter parole c'est une occupation de comédien et puis celle aussi des médiateurs, des diplomates ou officiels "porte-parole", ceux-là raides comme des porte-manteaux, mais qui peuvent être bons comédiens, redoutablement. En ce cas le porte-parole fait d'habiles discours, ce n'est pas du théâtre. Quelquefois même cet art particulier est appelé de la poésie. La poésie d'autrefois grandissait les grands hommes ou re-haussait leurs hauts faits, quand le roman semblait avoir en charge la réalité, jusqu'à faire de son objet particulier un excès noir, par exigence de vérité. Oui, quelquefois la poésie s'est spécialisée dans les odes, les louanges et apologies glorieuses. Certains ont même pu croire que c'était sa fonction, plutôt que d'évoquer les sensations rêveuses et de fortes images, la poésie était une oraison. Le mot « poésie » vient du grec ποιεῖν poiein qui signifie faire, créer, d'où suivent les faiseurs, les faisans et beaucoup d'autres bestioles ayant l'art du discours ou maniement du beau plumage.
Le spectacle l'Oral et Hardi est basé sur la parole, voire la crue de parole, sans exclure cet art oratoire qu'on a appelé la réthorique : convaincre et capter son auditoire. Ses champions d'hier dirigeaient des dictatures à droite à gauche et se spécialisaient dans les discours fleuves, pour la plupart asséchés, obsolètes ou cocasses. Une relève n'est jamais à exclure, dût-elle se glisser dans les sermons technico-commerciaux des argu-menteurs modernes. l'Oral et Hardi, oui comme deux histrions d'estrade, moi et moi monologuant, nous amusant à porter parole, je me suis trouvé en train de mélanger la poésie et les grands discours, deux styles qui font semblant de se chasser, se détester… et s'entendent comme larrons en foire.
Mais dans l'art de la parole il y a d'abord l'art de susciter l'écoute, d'obtenir ce droit de discourir avec accord pour maintenir ou pour durer. Un peu le complexe de Shéhérazade qui ne paraît pas trop atteindre les politiques ou, (curieux parallèle), les chefs militaires. A défaut de sauver sa tête comme la princesse des Mille et une Nuit, l'acteur en scène doit quand même justifier d'une écoute s'il ne veut pas qu'on le coupe. C'est ce que m'ont appris les voyages : les récits ou les nouvelles ne transitent pas tous d'une même façon. L'essence qui se trouve être identique pour toutes les voitures du monde n'est pas un même carburant pour la narration. Quand il suffit d'élever la voix pour se faire entendre ou d'appuyer, il est d'autres endroits où l'essence du récit est de poser parole, évoquant l'engagement pris par l'auditeur et son écoute fidèle, particulièrement dans ces parties du monde où il convient d'obtenir au préalable une sorte de droit de mentir. Est-ce parce que dans ces endroits, on se fait des histoires pour des riens tous les jours ? Est-ce parce qu'on croit trop naïvement le locuteur, que l'on y vit souvent au dépens des bretteurs ou des prêcheurs ? Ou est-ce justement parce que dans ce lieu sacré du théâtre, on peut en finir avec tous les faiseurs d'histoires, emmerdeurs, tracasseurs et dictateurs ? La question du « mensonge mode d'emploi » est rituellement posée, déposée.
Porter-parole et Poser-parole, me voilà au carrefour des voix. Le titre lui-même l'Oral et Hardi se fait question, au Bénin. A quoi bon les jeux de mots du français ? Est-ce pour brouiller la parole ? Avant d'aborder cette soirée de conteur grand baratineur, poète et pitre, parleur allumeur faiseur déplumé, faisan de la voix, faux chanteur ou griot belge en cerise sur le chapeau, il serait bien, non, que nous nous rencontrions ! J'emmène en tous cas dans mon sac des textes à dire et partager en atelier, des mots simples et petits pamphlets poétiques, pour apprendre de vous comment ils se disent. Echanger sur cela, comment se fait la persuasion et le théatre des paroles.
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