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Pédagogeons
Qu'est ce qu'un comédien peut proposer lors d'une rencontre avec la classe théâtre du Conservatoire de Douai (les 15/16 decembre 2012) sans s'envaser dans ses vieux souvenirs des bords de Scarpe, monologues sentimentaux plein de reconnaissance envers tous ceux qui l'ont vu naitre et nourri ? Savoir si Bonnaffé bonifie... C'est affaire de terroir, affaire de fond... de fin fond de terroir.
Trouver très vite une façon d'échanger, évoquer toutes les directions qu'il a prises au cours du temps, par chance elles sont nombreuses... Parce qu'il commence à titrer le comédien bon cru des bords de Scarpe ! Parler aussi de toutes les directions passionnantes que semble prendre le théâtre aujourd'hui à travers tant de nouvelles familles en scène, toujours devant, à montrer la route !
Refuser tout découragement surtout, trop de choses autour de nous manifestent cette volonté de lutter contre l'engrenage broyeur de l'industrie du rêve, télé débilitante, comédies standard et shows à la chaîne, bouquins ineptes, grosse machine de fric des concerts, cirque tapageur de l'hyper-médiatisation. Autrefois on extrayait du minerai noir des terres du Nord, on tente maintenant d'extraire un peu d'or de toute cette merde, comme le scarabée fait de sa carapace un bouclier d'orfèvre en restant proprement l'égoutier des chemins.
Il nous reste tant à dire, des oreilles et des yeux à émouvoir, un métier à développer et des emplois à rêver, des lieux à peupler. Je vois partout des salles s'équiper et nous attendre. Et nous pourrions faire école et théâtre de tant d'aventures. Aussi longtemps que nous produisons à pleine mains de l'expression, elle sera "le" lien essentiel... Pas que du spectacle donc, mais une nécessité de faire des prouesses que je vois se multiplier, comme autant de jongleries.... Artiste des mots, musiciens, trapézistes poètes, perfectionnistes de la lumière et des songes, virtuoses acharnés, écrivains de tous poils on ne veut plus que le théâtre du monde soit confié à des empotés, ni la société du spectacle à ses financiers. Les théâtres, les scènes qu'on dit vivantes ont en elles-même quelque chose de sacré, que nous n'avons plus peur d'investir.
Je veux bien y réfléchir deux minutes avec des têtes chaudes, natives ou non de ch'Nord, il reste incore à faire, sans ronronner ni nous répéter oui il y a bin core ed'l'ouvrache ! Parlons boulot ! Et je ferai quelques petites pauses d'accord, et des blagues d'accord. On n'est pas là que pour raconter des bonnes histoires mais quand même, il faut du corps et les pieds sur terre : dépendre aussi de ce qui se passe autour de nous. Ca n'a jamais empêcher de relier les répertoires populaires de Mousseron, les poèmes de Marceline, au parler franc des bars, unir la littérature et le boniment, ça me va bien.
Commentaires
réponse après ce stage, deux jours passionnants
21/12/2012 14:47 — Jacques BonnafféHeureux de cette rencontre j'espère qu'elle laisse de vagues incitations; je n'ai pas grande expérience dans ces domaines pédagogiques, mais cela me plaît d'essayer... A cours d'idées et de jeux face à ces âges particuliers, j'ai beaucoup parlé mais c'était dans les règles, puisque je pouvais abuser de mon statut d'invité. Curieusement ils seront restés peu curieux par rapport au fait que je sois du cru. J'aurai du, il est vrai, passer le temps d'un repas avec eux, c'était prévu,et aussi important je crois que les heures de cours. Il est difficile toujours d'obtenir cette quiétude spécifique en face des servitudes conviviales, visites de bon voisinage.
On a bien travaillé.
En tant que prof, je ne sais pas quoi dire sur la conduite d'un texte. Progresser en lecture est avant tout une affaire de labour donc travail intime, s'acharner, répéter, s'éreinter. Il y a des élèves qu'on peut faire progresser mais d'autres, nombreux, chez qui ce stade de communication à l'oral : la "voix haute", le texte inspiré est une abstraction totale, et le filet trop mince.
J'ai tiré plaisir de cette opposition générationnelle, en suivant le fil de leur improvisation sur le bonheur et la super chance. Au lieu de repartir sur les thèmes de la stupeur devant la catastrophe et les petites fins de monde que je leur proposais, l'idée est sortie de faire rentrer en scène des individus au comble du bonheur, exultate jubilate*, qui venaient de gagner neuf millions au loto... Possible et routinier : cette année il y a eu plus de 36 millionnaires au Loto, pourquoi pas vous ? D'abord l'impro s'est bloquée sur nos manques de moyens, de trop petits bras pour dire cet extrême. L'impression de voir rentrer des excités, qui avaient gagné un match et trépignaient. Et puis on a séché sur le scénario, ça donnait des discussions entre vainqueurs, soupçons et récriminations : très vite nos hyper-heureux se rabattaient sur de petites querelles. C'est sur la route du retour que j'ai trouvé un meilleur chemin : l'improvisation pourrait être un casting, on voit rentrer des gens qui font tout pour exprimer cet état d'extase absolue : "j'ai gagné, ma vie est bouleversée etc"... Et d'autres tels un jury les regardent, et demandent plus d'exubérance (ou moins), les questionnent aussi sur ce qu'ils vont faire de tout ça. Leur demandent quelle tête on fait vraiment quand on a digéré un tel choc, une fois passé les hourras. Bref raconter le bonheur. A partir de ces deux oppositions, on peut inventer d'autres scénarios.
*(Mozart http://www.youtube.com/watch?v=YruVzW6zjdk&noredirect=1)
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