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Le parrain aux aveux

Vous êtes un fidèle du Printemps des poètes. Que représente cette manifestation pour vous ?
Jacques Bonnaffé : « Il offre l’occasion de se demander, au moins une fois par an, ce qu’est la poésie. Ce qui définit la poésie n’est pas la rime, mais le vers : cette construction limitée qui interrompt la phrase et apporte des silences. Le vers est une contrainte qui permet la liberté. Je pense que la poésie nous concerne tous, quelle que soit l’idée que l’on s’en fait, même si on la rejette. »

Que vous inspire « l’insurrection poétique » , le thème de cette année ?
J. Bonnaffé : « C’est une insurrection à l’intérieur même de l’écriture, comme si les mots se secouaient pour signifier ‘’nous voulons dire quelque chose ! ‘’. Le reste du temps, pour communiquer, pour vendre, pour convaincre les électeurs, les mots sont prostitués par l’usage : ils veulent être plus libres. Cette insurrection se dresse aussi contre le discours officiel sur la poésie, avec ses hommages aux grands hommes, ses tonnes de plomb et de politesse. Il faut guetter cette pesanteur et la combattre absolument, en ayant la folie de dire ‘’Allons-y, parlons avec toutes les intensités !’’ Surtout, l’insurrection poétique se réalise dans le fait d’engager la parole. «

Vous vous engagez dans les lectures que vous donnez régulièrement. Quelle poésie y défendez-vous?
J. Bonnaffé : « J’aime les poètes qui travaillent la langue, ceux qui n’ont pas seulement de belles images. Les auteurs comme le Belge Jean-Pierre Verheggen, le poète-ouvrier chti Jules Mousseron ou André Velter sont des sortes de linguistes extravagants. J’aime aussi la poésie arabe, qui nous apprend comment une parole fière issue de mille paroles des Hommes peut occuper la place de textes sacrés. Personnellement, les poètes m’aident à grandir, dans le démesuré, dans l’impossible. Le poème accomplit très fort ce besoin de sacré qui existe dans le cœur de l’Homme, quelle que soit sa religion. Une de ses ambitions est de parler de ce que l’on ne peut dire, de l’inexplicable, qui doit avoir sa place dans un temps où on voudrait tout définir. J’ai toujours eu besoin des poètes aussi pour trouver la piste des mots que l’on aurait pu se dire si on parlait plus intensément à l’autre, si on se connaissait autrement. »

Sur scène, au cinéma ou à la télé, on sent dans votre jeu une dimension physique. Quelle est votre démarche d’acteur ?
J. Bonnaffé : «Un acteur s’exprime avec les mots des autres, mais il doit trouver son propre vocabulaire de jeu. J’ai du mal à avoir de vrais engagements politiques, car ce n’est pas ma nature, mais l’engagement physique dans la parole, je l’ai. C’est un travail qui a, un peu, une dimension athlétique. Il y a la question de la mémoire, qui passe par des mnémotechniques. Et puis pour jouer un personnage, l’acteur doit créer un jeu d’illusion. Nous sommes des imitateurs spontanés de la vie. Nous imitons les voix et les postures, mais au bout du compte nous imitons davantage quelque chose d’intérieur. Au théâtre, on imite très souvent les maîtres et les valets, au sens des riches et des pauvres, des gens qui se donnent une place et de ceux qui ne sont rien. Pour faire voir le comique de la situation et aussi le tragique. »

Va-t-on vous revoir au théâtre prochainement ?
J. Bonnaffé : « J’entre dans une période de préparation, notamment d’un spectacle avec le metteur en scène Tiago Rodrigues, nous allons créer un roman épistolaire avec le public la saison prochaine. Et je reprends régulièrement les spectacles qui constituent d’une certaine façon mon répertoire, dont les plus récents sont Chassez le naturel d’après des textes de Jean-Christophe Bailly, sur la relation à l’animal, Trente-Six nulles de salon, un tandem avec Olivier Saladin et L’Invitation au fromage, une ode drolatique et gastronomique. Et de temps en temps, je retourne dans le Nord, pour faire revivre le personnage chti de Zeph Cafougnette. »

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