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La vie des plateaux
Tout gosse j'ai cru que les grandes régions de cinéma ne pouvaient se poser que sur des paysages mythiques : canyon à gauche, buildings à droite et mer bleue à l'infini. Et puis la chance m'a conduit à Cinecitta avec Jacques Rivette, le rêve italien, l'ancien cœur de l'industrie cinéma... En banlieue de Rome, encerclée d'autoroutes. Et je me suis dis, là, il y a quelque chose à comprendre, un mystère qui ouvre ses portes. Si nos régions du Nord en dépassent pas mal d'autres en matière de production cinématographique et de talents, on n'a pas les palmiers, pas les belles pépées, les palaces, on n'a pas le soleil de la Californie, on a les autoroutes, et régulièrement on a eu de grands réalisateurs qui ont compris la région et su que c'était là qu'ils allaient se dépasser, que certains paysages, certains décors méritaient d'être relevés, transcendés, sans exclusion des réalités parfois abruptes et du tempérament. Ça valait pour le Nord le Pas de Calais ou la Belgique, tout à coup on s'est mis à faire des grands films et ça ne se mesure pas dans les entrées, non ! D'abord par les marques qu'ils laissent. Je pourrai vous en citer dix, je me contenterai du film de Yolande Moreau et Gilles Porte Quand la mer monte, quel regard, quelle attention aux décors et aux vies ! Qui ne l'a pas en mémoire ?
Le cinéma c'est une usine, depuis les frères Lumiere et les premiers tours de manivelle. C'est sans doute pour ça que notre mémoire s'y retrouve. Ce qu'il faut redire c'est la quantité et la variété des productions soutenues par le Craav et Pictanovo. Cette construction, et tout le peuple qui y travaille et qui en vit, les habitants que ça fait rêver, je connais depuis des années. Des moments inoubliables avec René Feret, Yolande Moreau, Edwin Bailly, Christophe Otzenberger, Bruno Dumont, avec Christian Carion et les centaines de figurants regroupés pendant des jours près de Bapaume. Ce sont des dizaines de métiers qui s'agitent et font marcher leurs têtes, autant d'autres qui en dépendent et fleurissent. Sur ce rayon, gloriole et pectoraux, j'ai choisi mes préférences : les équipes sportives et la chaleur des stades me laissent indifférent alors que ces réussites dans les domaines culturels et cinématographiques regionnaux valent tous les engouements, oui et... Allez allez allez, on va reparler d'attractivité ou d'essor économique ! Retenons d'abord que le fond des choses, c'est la profondeur justement. Ces scènes ces images qui ne restent pas en surface, ces scénarios qui n'ont pas peur de la gravité jusque dans le rire, cette humanité, ces histoires libres de tout cahier des charges folklorique et qui n'attendent que d'autres talents toujours et de pouvoir compter fidèlement sur le soutien d'une grande région.
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