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Dédale(s) ou comment s'en sortir (à Sète)

Elle nous tenait à cœur, la soirée du 15 mai, au théâtre de Sète ! On avait un peu tout retourné dans le spectacle et repensé l'écriture, invité Olivier Garouste à apporter ses univers et ses images.... Ce fut une soirée d’écoute et d’envoutement autour des variations de J.S Bach. Avec Tactus et talent. Variation des variations Goldberg et tournis de textes à la "Miam". Successions de thèmes urbains, visions et au final quelques manifestes discrets, puisqu'aujourd'hui le déchet c’est la ressource rêvons la ville demain !

Rappel : Faisan compagnie avec TaCTuS, l’ensemble de percussions rencontré à Lyon en 2010 lors un concert-texte aux Subsistances (une création Villa Gillet/TaCTuS) l’argument portait sur trois contes fantastiques de Maupassant. Cette fois-ci, en avant Bach ! Avec quatre musiciens de l’ensemble, s’exerçant sur vibraphones, marimba, mais aussi explorant toutes les gammes de la percussion, en passant par le corps, les samples et les machines, les baguettes, la voix… Les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach sont à la base de ce nouveau spectacle, conduisant à des élucubrations philosophiques et contées sur la ville, ses dédales et nos égarements jusqu’aux villes rêvées, ou invisibles… La ville comme un plan infini diabolique, comme une part de nous-mêmes.

Certains spectateurs voulaient retrouver les textes, je les ai promis, les voici en un lot un peu compact certes mais accessibles !

TEXTE DE DÉDALE(S) ou comment s'y retrouver :

Jac en chic costard présentateur se fait éjecter par la circulation des instruments.

  • Bonsoir, bonsoir à Sète à neuf, à dix, à douze, à quinze et plus, bonsoir à tous, ce soir vous le savez nous allons procéder au test Keizerlin de la variation parfaite, variation de Jean Sébastien. Oui ce soir vous allez repasser le Bach, nous désignerons la meilleure variation non pas de tous les temps, celle bien sûr destinée à vous faire dormir… to sleep, to die, to dream eh oui ! Rêver peut-être … be Bach ! Madame la direction nous ne partirons d’ici que sous la protection des parachutes, nous voulons des parachutes dorés, des tapis super volants brodés de rubis flashis, avec des pierres trop précieuses pour balancer sur la gueule des chauffards. (Il est éjecté)

Prudent il va dans la salle, il porte un coussin rose, calé derrière sa tête. - Je n’y arrive pas ! Je n’y arrive pas ! Vous y arrivez vous ?.. Moi je n’y arrive pas ! Et pourtant j’adore le théatre…. Le premier quart d’heure surtout, j’adore ! Comme vous (un temps) je vous adore. Trois quarts d’heure, même ! Quatre ! Après… Faut se reposer…. On est venu pour ça… Ô public ! Trésor inestimable ! Frangipane exquise de nos parts d’audience, toi Patrimoine vivant de la numanité… On vient au théatre c’est pour mieux… c’est pour dormir ! « To sleep, to die », rêver peut-être… Changer de matelas ! Résoudre enfin nos problèmes de literie. Nous ne sommes pas de ces gens qui vont au théatre pour rester chez eux ! Repartir avec un gros matelas, et pourquoi pas ! « Un autre modèle est possible » moi j’ai lu ça ! Mais que fait le personnel ? « Vous en avez plein le dos, ( the back, the back, full the Bach), soignez-vous au théatre ! Pourquoi n’écrit-on jamais de pièces sur le tassement des lombaires ? Où simplement refaire sa nuit, changer de corps.. Ou changer d’époux, madame a raison, un autre modèle est possible, refaire sa vie !… rêver peut-être !

  • O Public, perle des villes… Oui, oh oui c’est toutes ces histoires en ce moment, ça prend le dessus, impossible de fermer l’œil ! Le monde quoi… c’est le monde ! On n’y échappe pas ! Partout c’est le monde… Déjà nous-même on prend de la place, alors vous pensez si le monde lui…. C’est une suffocation, l’asphyxie les villes. O public ! Trésor inestimable, perle des villes ! O grand public, foule admirable.. toi courtisée par les princes.. les plus riches, les rois du pétrole ! Toi caressée, tant de fois louangée, poudrée, bercée par les promos, les promesses et toujours, toujours insatisfaite. Saleté va ! Bande de p’tits cons ! (oh ! pardon, 30 ans de théatre de rue, ça déforme )

Alors ! (vous répétez :  Alors !) Alors ! Raconte (vous répétez Raconte) Raconte…..

… Le prince Keizerlin était comme toi, O spectateur imaginatif insomniaque, il ne parvenait pas à compter les moutons, avaler les couleuvres, ça ne marchait plus ! Finies les tisanes et la médecine douce, dehors la nature ! Il fit appel à JSB - Bach inovator en lui demandant de composer des villes inconnues, leurs plans extravagants compliqués, des variations de rues à l’infini, toujours les mêmes et chaque fois changeantes, phrases urbaines où se perdre, des échangeurs, des voies rapides, des musiques en vols nocturnes sur paysage de mégapoles célestes. Jean Sébastien lui a écrit les variations, vous le saviez je ne vous apprends rien… les Goooold - berg, c’’est du bon Bach (il siffle « j’ai du bon tabac ») : t’as pas du bon Bach, tu restes à l’arrière… Jac fait un sondage dans le public pour élire le bis variations.

Break aéroport: jac dans la salle - Les voyageurs à destination de Bangkok, Taï Peh, Quimper, Pnom Pen et Djakarta, sont priés de se rendre à la porte 29, et de chercher l’erreur.

**PREMIERS TEXTES ENCHAINÉS*

« Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d’une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l’extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. «  Nos premiers pas dans le texte pur avec Arthur Rimbaud, c’est un illuminé !

Ce qu'il y a de bien avec les villes c'est qu'elles parlent d’elles-mêmes sans qu'on les y contraigne. Par contre, essayez un peu de faire parler un village. Il faudra employer la torture. Un village n'avoue jamais. Un village est assis sur des sommes d'or de silence, des caves entières de bouches cousues. Dans une ville tout le monde parle. Les rues parlent. Les rues ont des noms, on les appelle, elles répondent. Elles viennent au-devant de vous avec leurs devantures. Elles invitent à la conversation, au négoce, à l'échange. Même si vous ne faites pas affaire, il y aura dialogue. (Jacques Darras)

Il faudrait, je crois
Pouvoir circuler à travers la ville

Comme un globule rouge
A travers un corps

qui voit en passant
touche les tissus

Parce qu’il est en train
De devenir ce qu’il regarde ( Guillevic)

Celui qui arrive à Tecla voit peu de choses de la ville, derrière les palissades de planches, les abris en toile de sac, les échafaudages, les armatures métalliques, les ponts de bois suspendus à des cordes ou soutenus par des chevalets, les échelles, les treillis. Alors il demande :
- Pourquoi la construction de Tecla dure-t-elle si longtemps ?
Et les habitants, sans arrêter de hisser des seaux, de jouer des fils à plomb, de promener vers le haut et le bas de longs pinceaux, répondent : - Pour que ne commence pas la destruction.. (Les villes invisibles Italo Calvino - Folio Galllimard)

Rythmes Paul et déchets...

Je n’aimerais pas vivre en Amérique mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre à la belle étoile mais parfois si
J’aimerais bien vivre dans le cinquième mais parfois non
Je n’aimerais pas vivre dans un donjon, mais parfois si
J’aime bien vivre en France mais parfois non
J’aimerais bien vivre dans le grand Nord mais pas trop longtemps
Je n’aimerais pas vivre dans un hameau, mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre à Issoudin, mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre sur une jonque mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre dans un ksar mais parfois si
J’aurais bien aimé aller sur la lune mais c’est un peu tard Je n’aimerais pas vivre dans un monastère mais parfois si Je n’aimerais pas vivre au « Négresco » mais parfois si Je n’aimerais pas vivre en Orient mais parfois si J’aime bien vivre à Paris mais parfois non
Je n’aimerais pas vivre au Québec mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre sur un récif mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre dans un sous-marin mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre dans une tour mais parfois si
Je n’aimerais pas vivre avec Ursula Andress mais parfois si
J’aimerais vivre vieux mais parfois non
Je n’aimerais pas vivre dans un wigwam mais parfois si
J’aimerais bien vivre à Xanadu mais même, pas pour toujours
Je n’aimerais pas vivre dans l’Yonne mais parfois si
Je n’aimerais pas que nous vivions tous à Zanzibar mais parfois si.
( Georges Perec)

La voilà la ville de demain, puisque chacun peut se dire qu’à présent les déchets c’est la ressource…. (Un mot de mon fils à ce sujet, comme ça m’a touché, je vous le lis) : « Condamnés dès l’enfance à attendre la fin du monde en triant nos ordures, ou à réduire le chauffage et la consommation électrique, il a fallu malgré tout imaginer des projets qui pouvaient sembler utopiques mais tous réalisables, techniquement économiquement. Le rêve c’est construire des bâtiments à énergie positive, déconnectés des réseaux d’énergies traditionnelles, ou fossiles. Disons une ferme verticale à New-York le long de l’East river, à Lyon au bord de la Saône, au milieu de l’acier et des bétons de Confluences. Contrairement à ce qui se passait avant, les déchets doivent devenir des ressources. » 

Acclamant la 29 : ... la 29 variation de l’année ! chiffre de prédilection ! le bus favori !! il demande un bis, il se perd quel délice...

C’est la 3 ? C’est pas la.. c’est la 29 ?… j’adore la 29, ma ligne favorite, il n’est bon Bach que de s’y perdre. O Dédale que dédale ! Elle me traboule la 29.. on y entre, on croit s’y repérer et puis chicanes, passages, détours / artères secrètes, escaliers, carrefours. Dédales, j’ai les boules, comment sortir des traboules, on s’égare, quel délice ! Alors dites-moi comment vos les préparez ? Vous êtes Lyonnais, Tactus, donc c’est un peu une spécialité, non ? Vous les lavez d’abord ces petites traboules ? Non ? Pas de produit ! Il faut juste les brosser, un petit balayage.. Mais les vraies traboules en fait; ça n’existe plus. Je suis en train de me perdre dans quelque chose qui n’existe plus.. On va où maintenant ? Parlez Cités, parlez Quartiers parlez Banlieues parlez moins mieux « à force d’étendre son emprise au delà d’elle-même, la ville en est venue à se perdre, comme on se perdrait dans un bois qu'on a soi-même planté. » C’est Villeneuves les Banlieues ? Faut plus dire les Banlieues, ça fait problème..

Avant on disait « la Banlieue », avant les problèmes, elle court elle court, c’était beau…

« La banlieue je me souviens c’était de l’autre côté, on pouvait s’y rendre comme on voulait, en train, en voiture en autobus, à pied même, mais c’était de l’autre côté et c’est toujours là-bas, ailleurs, et c’est toujours le même lointain de tous les ailleurs, et le plus facile de tous les voyages. Pourtant ce n’est jamais le bout du monde et c’est même ce qui ne le sera jamais, les avions qui vont au bout du monde justement, passent dessus..

Au départ la banlieue était quelque chose qui se trouvait "tout autour". Un terrain vague. Un terrain pour vague à l'âme. Un paysage livré en vrac, un peu déglingué, en perpétuelle recomposition. Un purgatoire circulaire, avec au centre la cité Paradis, Paris, Marseille, Nice, Rome Rennes, ou Rio Strasbourg Berlin Bruxelles, « Mais tout ce qui faisait un cœur de ville avec un peuple d’artisans, d’employés, ou de petits commerçants, tout ça s’est vidé, dévitalisé, pour des quartiers vitrines et des quartiers musée »

Et certains ont commencé à se demander où était passée la vie ? En banlieue ? Le "tout autour" ne pouvait donc plus être un terrain vague mais un terrain plein : plein de monde et de vie. Et si le centre s'était vidé, cela ne voulait-il pas dire que le vrai centre était désormais dans le "tout autour" ? ( Jean-Christophe Bally - La phrase Urbaine ) Jac se renseigne sur la route, le plan à suivre / carte immense

La ville où nous marchons
n’est pas celle où nous marchâmes
et nous avançons sans flamme
vers celle que nous laisserons

Topograpies itinéraires !
dérives à travers la ville !
souvenirs des anciens horaires !
que la mémoire est difficile.

Et sans un plan sous les yeux
on ne nous comprendra plus
car tout ceci n'est que jeu
et l'oubli d'un temps perdu Raymond Queneau : l’Amphion

Je descendais cette rue qui était droite, inclinée de soleil, entre des automobiles d'une lenteur imprécise .

Descendant cette rue j'avais la sensation du passé, d'un loin passé, d'une autre rue. Je ne parvenais pas à m'y revenir.

Pas en personne, pas en images de soi, défenestrées : en certitude revenir, seulement en certitude.

Dans le passé d'une autre rue quand je serais, je saurais.
Mais comment? (extrait Roubaud la forme d'une ville Change plus vite, hélas! que le coeur d'un mortel)

J’ai perdu les pédales alors je vais à pied comme un tout seul nuage une montagne déplacée. Mais vous m’en direz tant et vous n’aurez pas tort comme moyen de transport il y a la métaphore. La figure du poème vous porte tout là-bas aussi bien que le train ou le vélomoteur la patin à roulettes le roller le scooter la planche l’aéroplane et ça les doigts dans le nez (sauf si vous faites la gueule et vous vous la cassez) (Valérie Rouzeau - Quand je me deux)

Cette rue-là qui n'était pas cette rue-ci, comment redeviendrait-elle présente, comment m'allait-elle se présenter,

cependant que je marchais, poursuivi par le soleil, par le scintillement des arbres, les courbés de poussière ?

Il y avait trois chiens jaunes, une bicyclette, une boulangerie. Rue sans rue, aux maisons sans maisons, aux toits sans toits,

comment la rue du passé se rapprochant, si je parvenais à lui faire faire ce mouvement vers moi, me pourrait-elle paraître, là, maintenant, passée
(extrait Roubaud la forme d'une ville Change plus vite, hélas! que le cœur d'un mortel)

Il a pris sa voiture
les pigeons avaient chié dessus et puis il a fait du cinq de moyenne
pendant des heures et des heures
il a éraflé une aile
il a bosselé un pare-choc
on lui a craché sur son pare-brise
et il a attrapé cinq contraventions
Ah qu’il ah qu’il ah qu’il est content
d’as voir promené sa bonne ouater
si elle lui a couté tellement d’argent
c’est pas pour en faire des confitures
et bing et poum et bing et pan. (Raymond Queneau)

Nous voyons tout de suite où se profile ce spectacle, encore un de ces ramassis protestataires contre la voiture. Négligeant de prendre en considération la chaîne de travail qui l’accompagne, ce n’est plus l’automobile c’est l’industrie automobile qui a de la reprise. Et le progrès reste un enjeu. Aujourd’hui on est en capacité de faire des voitures non polluantes, au bilan énergique catastrophique lors de la fabrication, et qui nous permettront de préserver nos bouchons pittoresques et l’encombrement des villes. (Les RONDS-POINTS)

*Jac fait connaissance avec Mathieu. Les ronds-points Oh ! Des cloches et des oiseaux ! La campagne la campagne Elle s’est quand même bien détériorée la campagne, c’est pareil… va falloir la restaurer.. la classer aux monuments historiques …. lui trouver des zones protégées piétonnières hors des tracteurs et des 4X4 *

SÉQUENCE DU PATRIMOINE : l’historien local fait un parcours des ogives, des arcs-boutants fin 14e, du clocheton médieval envolé, visite guidée suivi par les musiciens, cela débouche sur un panoramique avec «vue sur public : Voyez cette partie datant du moyen-âge et elle nous échappe aujourd’hui totalement.. La ville change ! mais rien dans ma mélancolie / N'a bougé ! Palais neufs, échafaudages, blocs, / Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie / Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs (Baudelaire)

Le petit clocheton adossé sur l’arc-boutant du 13e est en avance pour l’époque… On n’en était pas encore à faire la révolution et pourtant si vous observez bien, vous ne le voyez plus, il n’est plus là, il a totalement disparu, tombé et vous n’avez plus qu’à l’imaginer, à côté du bâtiment des assurances qui est en train de se construire, 7 étages avec parking aérien, qui respecteront néanmoins les obligations de caractère. Sinon vous pourrez le retrouver sur l’application clocheton perdu, section 13e
Nous continuons notre visite en prenant bien garde aux échafaudages. Voyez comme toutes ces opérations de réhabilitation demandent des équipements. Car tout ce qui nous entoure est ancien ou - c’est encore mieux - est appelé à le devenir ! Mais l’idée c’est que le passé n’est pas un passé pur et simple, c’est à dire il n’a pas libéré toute son énergie, il a aussi les traits d’un futur antérieur. Quelque chose reste comme une chansonnette. J’attirerai votre attention sur la couleur des fonds, elle a été rehaussée. Ces ôcres auraient sans doute semblé trop prononcés à l’époque, mais il faut bien appuyer et veiller surtout à ce que le passé rénové quand il vieillira d’ici quelque années, paraisse encore neuf malgré le poids des ans, et dégage avec lui une impression de fraîcheur et d’hygiène, d’ailleurs vous pouvez le sentir… allez-y sentez.. vous sentez ? Ça sent le Lillas… étonnant non ?

Alors ici, je vous réserve une surprise ! C’est un endroit très prisé je vous préviens ! Et beaucoup donneraient cher pour être à votre place, attention retournez, voilà… Toute une surface aménageable avec vue sur Public. Là vous êtes en prise avec le patrimoine vivant, voyez que ça raisonne, Patrimoine culturel et quand je dis patrie / Moine, non je dis, oui moine mais cette fierté invincible de la patrimoine /moine..Oui moine moine, mais c’est pas la partie moine, regardez ils ne sont pas religieux des enfants de la Patrie / Moine…Patrie / Moine / Patrie / Moine / Patrie / Moine Si vous pouviez me retirer toute cette merde… c’est une installation du MIAM ?

Discours du Maire : Il s’en trouve toujours pour avoir le génie de commencer par les problèmes, et nous saluons leur vigilance, merci ! Celui-ci nous parle de la pollution, mais quelle affaire ! Vous savez, bien souvent, une bonne pluie, un coup de vent et on n’en parle plus !… L’environnement, je dirais, doit avoir sa place et même mieux y rester, à sa place : les environs… Et qu’on aille s’y détendre c’est très bien ! Mais voilà, il y en a qui ne peuvent pas ! Ils stressent, ils ont toujours à remuer ces questions qui divisent alors que nous sommes là pour rassembler et pour apporter des réponses. A la question des ordures et du tri, avec sérénité nous répondons : "retraitement des déchets ». Et il en va de même pour la question des étrangers et des migrants, des marginaux, des Zadistes et des joueurs de banjo. Parce que moi ce que je vous propose, c’est de rester fidèles à notre conduite « Faire rêver c’est faire » comme la ville a toujours su fer.. rêver, et le verre c’est mieux pour y voir clair… Car qui mieux que les mots pourront toujours promettre ? Avec l’équipe municipale nous avons pris cette décision courageuse de ne plus pratiquer ce pluriel indifférencié pour parler des égouts. Et nous appuyant sur Victor Hugo, de revenir à l’égout singulier : Nous irons même plus loin, puisque nous allons faire poser des plaques (colorées), oui… l’égout c'est la couleur", certains persifleront, « l’égout de luxe etc mais c’est assez Sète ici, Sète maintenant c’est l'égout

« L’égout, c’est la conscience de la ville nous dit le grand Victor notre partenaire dans cette opération… Tout y converge et s’y confronte. Dans ce lieu livide, il y a des ténèbres, mais il n’y a plus de secrets. Chaque chose a sa forme vraie, ou du moins sa forme définitive. Le tas d’ordures a cela pour lui qu’il n’est pas menteur. La naïveté s’est réfugiée là. Le masque de Basile s’y trouve, mais on en voit le carton, et les ficelles, et le dedans comme le dehors, et il est accentué d’une boue honnête. Le faux nez de Scapin l’avoisine. Toutes les malpropretés de la civilisation, une fois hors de service, tombent dans cette fosse de vérité où aboutit l’immense glissement social. Elles s’y engloutissent, mais elles s’y étalent. Ce pêle-mêle est une confession. Là, plus de fausse apparence, aucun plâtrage possible, l’ordure ôte sa chemise, dénudation absolue, déroute des illusions et des mirages, plus rien que ce qui est, faisant la sinistre figure de ce qui finit. (...) Un égout est un cynique. Il dit tout. (Je ne suis qu’une merde…)

Cette sincérité de l’immondice nous plaît, et repose l’âme. Quand on a passé son temps à subir sur la terre le spectacle des grands airs que prennent la raison d’état, le serment, la sagesse politique, la justice humaine, les probités professionnelles, les austérités de situation, les robes incorruptibles, cela soulage d’entrer dans un égout et de voir de la fange qui en convient. Molécules dans l’égout : je ne suis qu’une merde l’imidaclopride, le chlorpyriphos, la trifluraline, les néonicotinoïdes, et le regretté Gliyphosate, la substance active du folpel et le captane. La pendiméthaline et l’endosulfan…. le tolylfluanide

CONTRE
« Je vous construirai une ville avec des loques, moi.

Je vous construirai sans plan et sans ciment un édifice que vous ne détruirez pas Et qu'une espèce d'évidence écumante soutiendra et gonflera,
 Qui viendra vous braire au nez, et au nez gelé

De tous vos Parthénons, vos Arts Arabes et de vos Mings.

Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard et du son de peaux de tambours
Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes,

Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,

Contre lesquels votre ordre multimillénaire et votre géométrie

Tomberont en fadaises et galimatias et poussières de sable sans raisons.

Glas ! Glas ! Glas ! Sur vous tous! Néant sur les vivants!
Oui! Je crois en Dieu !
Certes, il n'en sait rien.
Foi, semelle inusable pour qui n'avance pas.

Ô monde, monde étranglé, ventre froid !
Même pas symbole, mais néant !

Je contre! Je contre! Je contre, et te gave de chien crevé !

En tonnes, vous m'entendez, en tonnes je vous arracherai

Ce que vous m'avez refusé en grammes!
Le venin du serpent est son fidèle compagnon.

Fidèle ! Et il l'estime à sa juste valeur.

Frères, Mes Frères damnés, suivez moi avec confiance;

Les dents du loup ne lâchent pas le loup,

C'est la chair du mouton qui lâche.

Dans le noir, nous verrons clair, Mes Frères!

Dans le labyrinthe, nous trouverons la voie droite!
Carcasse !
Où est ta place ici ?
Gêneuse! Pisseuse! Pots cassés! Poulie gémissante !

Comme tu vas sentir les cordages tendus des quatre mondes !

Comme je vais t'écarteler ! Henri Michaux

La ville de Léonie se refait elle-même tous les jours : chaque matin la population se réveille dans des draps frais, elle se lave avec des savonnettes tout juste sorties de leur enveloppe, elle passe des peignoirs flambants neufs (…) Sur les trottoirs, enfermés dans des sacs de plastique bien propres, les restes de la Léonie de la veille attendent la voiture du nettoiement. Non seulement les tubes de dentifrice aplatis, les ampoules mortes, les journaux, les conditionnements, les matériaux d’emballage, mais aussi les chauffe-bains, les encyclopédies, les pianos, les services de porcelaine : plutôt qu’aux choses qui chaque jour sont fabriquées, mise en vente et achetées, l’opulence de Léonie se mesure à celles qui chaque jour sont mises au rebut pour faire place aux nouvelles.

                           Où les éboueurs portent chaque jour leurs chargements, personne ne se le demande : hors de la ville, c’est sûr ; mais chaque année la ville grandit, et les immondices doivent reculer encore.… Ajoute à cela que plus l’industrie de Léonie excelle à fabriquer de nouveaux matériaux, plus les ordures améliorent leur substance, résistent au temps, aux intempéries, aux fermentations et aux combustions. C’est une forteresse de résidus indestructibles qui entoure Léonie, la domine de tous côtés, tel un théâtre de montagnes.                     (Les villes invisibles Italo Calvino édition Folio Galllimard)                                                                                                                              


                                                                                                                                             Après avoir marché sept jours à travers bois, celui qui va à Baucis ne réussit pas à la voir, et il est arrivé. Des perches qui s'élèvent du sol à grande distance les unes des autres et se perdent au-dessus des nuages soutiennent la ville. On y monte par de petits escaliers. Les habitants se montrent rarement à même le sol : ils ont déjà là-haut tout le nécessaire et ils préfèrent ne pas descendre. Rien de la ville ne touche terre en dehors de ces longues pattes de phénicoptère sur lesquelles elle s'appuie et, les jours où il y a de la lumière, d'une ombre dentelée, anguleuse, qui se dessine sur le feuillage. 

On fait trois hypothèses sur les habitants de Baucis : qu'ils haïssent la Terre ; qu'ils la respectent au point d'éviter tout contact avec elle ; qu'ils l'aiment telle qu'elle était avant eux, et que s'aidant de longues-vues et de télescopes pointés vers le bas, ils ne se lassent pas de la passer en revue, feuille par feuille, rocher par rocher, fourmi par fourmi, y contemplant fascinés leur propre absence. (Les villes invisibles Italo Calvino édition Folio Galllimard)

                                      *les déchets doivent devenir des ressources…..*  

Nous pourrions, par exemple, recycler les déchets des fermes verticales, dans des façades aquariums avec des bioréacteurs à base d’algues vertes – celles que nous trouvons sur les plages bretonnes – qui transforment tous les déchets organiques en biofioul. En bas de la tour, des lagunes de phyto-épuration assureraient le recyclage de toutes les eaux usées du bâtiment, avec des bassins agrémentés de poissons et de plantes. La pisciculture permet de fournir des poissons mais aussi de retraiter tous les nutriments qu’ils rejettent en engrais naturel pour les végétaux des jardins suspendus. La ferme verticale est exploité par ses propres habitants. Il s’agit avant tout d’une économie circulaire où tout est transformé à l’infini. Une cité capable d’absorber ses eaux pluviales et de se bioclimatiser naturellement nécessite de limiter le nombre de façades minérales et de les remplacer par des façades et toitures végétales. Nous pourrions produire 30% de l’agriculture biologique consommée par les Lyonnais. En éliminant les boucles de transports et celles de réfrigération, c’est une façon d’inviter le citoyen à devenir acteur de l’économie locale. Cette agriculture urbaine nous propose de nouveaux métiers. Croiser un architecte avec un ingénieur agronome, un jardinier avec un épicier de détail. Il faut décloisonner les disciplines existantes, être geek, mais aussi grimper aux arbres.. 

Eloge de la tour de Babel  Mais quelles langues parlent donc tous ces agités du buccal ? 

Le bousin à tue tête ? Le compulsif non stop ? Le désinvolte au ras des pâquerettes ? L’infatué maison ? Le mézigue dithyrambique ? Le j’dis ça j’dis rien ? Le pisse-froid pinailleur ? Le cul-bénit qui vous colle aux basques ? L’auto satisfait blasé? L’élu local neuneu ? Le négocié à la cosaque ? Le bout de gras à rallonge ? Le sociolecte expliqué aux enfants? Le pincé mandarinal? Le lyrique pâlichon? L’obscène jaculatoire ? L’amoroso tout feu toute flamme ? Le branquignol marlou ? Le larmoyant dans le giron ? Le fine fleur en nettement moins fleuri? Le simplet nationaliste ? L’expert en toutes matières ? Le lèche-bottes sans honte? L’imbu sur son petit nuage ? Le nouveau riche en oméga 3 ? Le souverain poncif ? Le puant bien fait ? Le plutôt tarte ? Le perfectionniste teigneux ? Le c’qui s’parle vintage ? Le mariole haut en couleur ? Le bébé en version originale ? Le poissard de guinguette ? L’à-peu-près au sommet de son art ? Le pataud bec dans l’eau ? Le fort en thème et en bas de case ? L’éduqué élevé sous la mère ? Le rudimentaire gros sabot? L’idiome gendarme ? Le sans souci la violette ? L’excité sur des charbons ardents? Le saugrenu de salon ? Le neutre en demi-teinte ? Le limpide infantile ? Le bouffi pommadé ? Le boute-en- train fécond ? Le charlatan niaiseux ? L’indigène jusqu’au trognon ? Jean -Pierre Verheggen

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